Albertine Adine GOUGEARD (1860 – 1928)
Dans l’aube encore froide du samedi 24 mars 1860, à sept heures du matin, Albertine Adine GOUGEARD vient au monde dans le paisible village d’Épouville, niché dans le Pays de Caux. Ses premiers cris s’élèvent dans un foyer modeste, celui d’Elfred Edmond GOUGEARD, garde-moulin, et de Prudence Victorine BAUDOUIN, vermicellière. La petite Albertine rejoint une famille déjà marquée par le deuil, son frère aîné Gustave Albert étant décédé en bas âge l’année précédente.
Albertine grandit dans une époque où la vie rurale est rythmée par le travail des champs, le bruit des moulins et les joies simples des dimanches au marché. Mais derrière cette quiétude apparente, les drames de la vie quotidienne laissent des traces indélébiles.
À seulement 15 ans, Albertine perd sa mère, Prudence, le 8 novembre 1875. Ce décès prématuré la plonge dans des responsabilités accrues, marquant un tournant dans sa jeunesse. Le décès de sa mère coïncide avec la transition d’une enfance protégée vers une vie adulte teintée de dureté et d’incertitudes.
En 1883, à l’âge de 23 ans, Albertine est journalière, un métier souvent ingrat et exigeant, reflétant la condition des femmes de sa classe sociale. Cette année est particulièrement marquante pour elle. Elle donne naissance, hors mariage, à un fils prénommé Ferdinand Albert le 19 mai 1883. Mais son bonheur est de courte durée : le 3 juin, à peine deux semaines plus tard, son fils décède.
Malgré ce début de vie adulte difficile, Albertine trouve un compagnon en la personne de Léopold Fernand Auguste ARGENTIN, un ouvrier mécanicien. Leur union est célébrée le 13 octobre 1883 à Épouville, entourée de témoins familiaux et amicaux, reflétant les liens solides qui unissent les communautés rurales.
Le mariage d’Albertine et Léopold est rapidement marqué par une succession d’événements heureux et tragiques. De leur union naîtront cinq enfants : Louise Marguerite en 1884, qui décède en 1886. Charles Émile en 1886, qui survivra. Berthe Charlotte en 1887, qui décède la même année. Ferdinand Auguste en 1888, qui décède en 1892. Louis Auguste en 1892, qui décède en 1893.
Ces pertes répétées témoignent de la précarité des conditions de vie à cette époque. Les maladies infantiles et l’absence de soins médicaux adaptés frappaient sans relâche les familles. Pourtant, Albertine fait preuve d’une résilience remarquable, continuant à élever son fils Charles, qui deviendra le pilier de ses vieux jours.
Le 12 juin 1896, Léopold, l’époux d’Albertine, décède, laissant celle-ci veuve à 36 ans avec un fils à charge. Deux ans plus tard, en 1898, elle perd également son père, Elfred. Ces épreuves successives renforcent son caractère, façonnant une femme courageuse et dévouée à sa famille.
Albertine traverse une époque de grands bouleversements. La révolution industrielle transforme les campagnes, et des métiers comme celui de son mari Léopold, ouvrier mécanicien, illustrent ce tournant historique. Les villages du Pays de Caux, bien que ruraux, sont influencés par l’arrivée du chemin de fer, le développement des manufactures et les changements sociaux qui transforment peu à peu la condition des femmes.
En tant que journalière, Albertine appartient à une classe de travailleurs dont les efforts soutiennent l’économie locale mais restent souvent invisibles dans les récits officiels.
Malgré les épreuves, Albertine atteint l’âge honorable de 68 ans. Elle s’éteint le 29 septembre 1928 à Montivilliers, au domicile de son fils Charles, devenu son refuge et son soutien. Ce dernier, seul survivant de sa fratrie, incarne la continuité de la lignée familiale.