Elfred Edmond
GOUGEARD Elfred Edmond : Une vie au cœur des bouleversements du XIXe siècle
(Sosa 16)
Elfred Edmond Gougeard voit le jour le 19 décembre 1834, dans le village de Bec-De-Mortagne, en Normandie. Il naît au sein d’une famille modeste, son père, Jean Pierre Gougeard, étant maître meunier, et sa mère, Florence Véronique Legrand, fileuse de lin. Cette région agricole, réputée pour ses paysages verdoyants et son activité autour des moulins, façonne dès son jeune âge la vie d’Elfred.
Elfred grandit dans les années qui suivent la Révolution de 1830. Alors que Louis-Philippe Ier règne en roi des Français, la France connaît des tensions sociales croissantes. Les campagnes normandes ne sont pas épargnées par ces bouleversements : les petites communautés rurales comme celle de Bec-De-Mortagne vivent à l’écart des fastes parisiens, mais ressentent néanmoins les effets des mauvaises récoltes et des révoltes agricoles.
En 1848, Elfred est adolescent lorsque la Révolution de février met fin à la monarchie de Juillet. Le roi Louis-Philippe abdique, et la Deuxième République est proclamée. Les espoirs de justice sociale et d’amélioration des conditions de vie touchent aussi les travailleurs ruraux comme les meuniers et les fileuses. Cependant, ces espoirs sont vite déçus par le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, qui instaure le Second Empire.
À 22 ans, Elfred se marie le 20 avril 1857 à Épouville avec Prudence Victorine Baudouin. Ce mariage se tient en pleine période de prospérité économique sous le Second Empire, où Napoléon III modernise le pays. Les grandes réformes, comme l’industrialisation et la modernisation des transports (notamment les chemins de fer), atteignent lentement la Normandie.
De cette union prospère naîtront huit enfants, témoins de l’histoire familiale et du XIXe siècle : Edmond Édouard, l’aîné, venu au monde en 1857. Gustave Albert, qui suivra en 1859. Albertine Adine, née en 1860, première fille de la fratrie. Marie Louise, qui enrichira la famille en 1862. Georges Gaston, né en 1866, au cœur de la période industrielle. Marguerite Eugénie, arrivée en 1869, au crépuscule de la décennie. Henri Albert, qui verra le jour en 1871, au lendemain de la guerre franco-prussienne. Enfin, Gustave Jules, le benjamin, né en 1874, clôturera cette génération. Cette grande fratrie illustre la vitalité et les défis d’une époque marquée par les transformations sociales, économiques et politiques du XIXe siècle.
Dans ce contexte, Elfred prend la charge de garde moulin, un métier essentiel dans les communautés rurales.
Le couple s’installe au Hameau de la Queue du Chien, où ils élèvent leurs enfants. De leur union naîtront huit enfants, dont le premier, Edmond Édouard Gougeard, en 1857. Mais les années sont rudes : les décès en bas âge sont fréquents, et certains de leurs enfants, comme Gustave Albert, meurent peu après leur naissance. Prudence elle-même décède en 1875, laissant Elfred veuf avec plusieurs enfants à charge.
Alors qu’il élève sa famille, Elfred est témoin de l’effondrement du Second Empire en 1870, après la défaite de Napoléon III face à la Prusse. La guerre franco-prussienne laisse des marques profondes, même dans les campagnes. Les troupes prussiennes occupent une partie de la Normandie, et les villages comme Épouville ressentent les réquisitions et les tensions. La proclamation de la Troisième République marque une nouvelle ère, mais les divisions politiques et sociales persistent.
Dans les années 1870-1880, la France entre dans une période de modernisation accélérée. L’électricité, les machines agricoles et les chemins de fer transforment peu à peu le quotidien des villages. Cependant, la vie d’Elfred reste ancrée dans les traditions rurales. En tant que garde moulin, il joue un rôle clé dans la vie économique locale, assurant le bon fonctionnement des moulins à grain indispensables aux paysans et aux boulangers.
Après la mort de Prudence, Elfred se remarie le 22 avril 1884 avec Léontine Marie Séchet, de 28 ans sa cadette. Ensemble, ils fondent une nouvelle famille et donnent naissance à plusieurs enfants : Marie Léontine (1882), Jeanne Evelina (1885), Emile Gilbert (1886), Emile André Joseph (1888), Germaine Julienne (1890).
Malgré son âge avancé, Elfred continue d’assumer ses responsabilités au moulin tout en s’adaptant aux évolutions de son époque.
Dans les dernières années de sa vie, Elfred assiste à des changements majeurs. La Troisième République stabilise peu à peu la France, bien que les tensions sociales et politiques subsistent. Le monde rural connaît de profondes mutations, notamment avec l’exode rural qui pousse de nombreux jeunes à quitter les villages pour les villes. Mais Elfred reste fidèle à sa région et à son métier, incarnant une génération attachée aux traditions.
Elfred Edmond Gougeard s’éteint le 29 septembre 1898, à l’âge de 63 ans, dans sa maison du Hameau de la Queue du Chien. Sa mort marque la fin d’une époque. Son décès est déclaré par deux amis et voisins, dont Louis Vallée, sénateur et blanchisseur, et Juste Stanislas Hue, garde champêtre.
Elfred laisse derrière lui une grande descendance, qui perpétue son héritage. Ses enfants et petits-enfants, confrontés à un XXe siècle marqué par de nouveaux défis, gardent en mémoire la vie simple mais courageuse d’un homme qui a traversé l’un des siècles les plus bouleversants de l’histoire de France.