Alfred Ernest GOUGEARD (1891 - < 1904)
L’histoire d’Alfred Ernest GOUGEARD est celle d’un homme ordinaire vivant à une époque extraordinaire. Né à Montivilliers le 27 juin 1891, il a traversé les transformations industrielles, les tragédies des guerres mondiales et les luttes sociales qui ont redéfini la France au XXe siècle.
Alfred naît dans une famille ouvrière à une époque où la Révolution Industrielle transforme profondément la société. Son père, Edmond Edouard GOUGEARD, est garde-moulin et ouvrier de minoterie, témoignant d’un métier traditionnel en déclin face à la mécanisation croissante. Sa mère, Elise Maria DUTOT, couturière, incarne ces femmes ouvrières qui participent activement à l’économie domestique tout en s’occupant du foyer.
L’enfance d’Alfred est marquée par une fratrie nombreuse : quatre frères et sœurs plus âgés, témoins d’une époque où les familles nombreuses sont courantes dans les classes populaires. Mais la modernité progresse : les chemins de fer, les manufactures et l’éclairage électrique transforment des villes comme Le Havre, où Alfred passera une grande partie de sa vie.
En 1903, alors qu’Alfred a 12 ans, son père meurt. Cette perte marque un tournant pour la famille, déjà fragilisée par les conditions précaires de l’époque. C’est aussi une époque de grands changements pour la France, qui se prépare aux bouleversements du siècle à venir.
À 21 ans, Alfred effectue son service militaire en 1912, une expérience commune pour les jeunes hommes de sa génération. Nous sommes alors dans les dernières années de la Belle Époque, période d’optimisme marquée par des avancées technologiques, culturelles et sociales. Cependant, derrière cette prospérité apparente, les tensions internationales augmentent, prélude à la Première Guerre mondiale.
Bien que les archives ne mentionnent pas sa participation directe à la guerre, Alfred a probablement été affecté par la Grande Guerre (1914-1918). Mobilisation massive, familles séparées, et destruction matérielle touchent tous les foyers français. Les ouvriers, comme Alfred, contribuent aussi à l’effort de guerre, notamment en travaillant dans des industries essentielles ou en reconstruisant les infrastructures détruites.
Après la guerre, Alfred épouse Marthe Julienne Christine CORNU le 13 octobre 1919. Leur mariage symbolise un renouveau personnel et national, à une époque où la France tente de se relever des ruines.
Installé à Graville-Sainte-Honorine, un quartier industriel du Havre, Alfred travaille comme employé de chemin de fer. Les chemins de fer, vitales pour la reconstruction de l’économie française, connaissent alors une expansion spectaculaire. Il est également lié à l’industrie verrière, un secteur florissant au Havre, marqué par l’essor des technologies modernes.
En 1922, Alfred devient père d’une fille, Odette Marthe, symbole de l’espoir d’un avenir meilleur dans une France pacifiée mais en reconstruction.
Les années 1920, connues comme les Années Folles, marquent une époque de croissance économique et culturelle. Alfred, homme de son temps, gravit les échelons professionnels. En 1927, il reçoit la Médaille d’Honneur de Mérite pour les ouvriers, une distinction décernée par le Comité Central des Chambres Syndicales. Ce prix reflète son engagement et son rôle de contremaître verrier chez A. Tourres & Cie, une des entreprises les plus influentes du Havre.
Ces années sont également marquées par des bouleversements politiques et sociaux : l’essor des syndicats, l’amélioration des conditions de travail et la montée des mouvements ouvriers, qui façonnent l’identité des travailleurs français comme Alfred.
La Grande Dépression mondiale (1929-1939) touche la France, affectant particulièrement les ouvriers et les petites industries. Cependant, Alfred conserve son poste de contremaître, reflétant sa compétence et sa capacité à s’adapter aux défis économiques.
En 1934, il perd sa mère Elise, une nouvelle épreuve personnelle. Alfred, âgé de 42 ans, devient alors le patriarche de la famille. Il veille à transmettre des valeurs de résilience et d’effort à sa fille Odette, qui grandit dans un contexte de crise mais aussi de transformation sociale.
Bien que les archives n’indiquent pas le rôle exact d’Alfred pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), il est fort probable qu’il ait été témoin des bombardements massifs sur Le Havre, une ville stratégique pour les Alliés et les Allemands. En tant que contremaître et ouvrier qualifié, Alfred aurait contribué à la reconstruction de la ville après la guerre, un effort colossal marqué par des sacrifices personnels et collectifs.
Alfred s’éteint avant 1984, à l’âge de moins de 92 ans, laissant derrière lui une vie marquée par les transitions majeures du XXe siècle. De la Révolution Industrielle à la Seconde Guerre mondiale, il incarne le parcours d’un homme ordinaire dans une époque extraordinaire.