Germaine Julienne Gougeard (1890 – 1934)
Germaine Julienne Gougeard voit le jour un mercredi ensoleillé, le 11 juin 1890, dans le hameau de la Grande Dixmère à Épouville, en Seine-Maritime. Elle est la benjamine d’une grande fratrie de six enfants, née d’un père âgé, Elfred Edmond Gougeard, un garde-moulin de 55 ans, et de sa seconde épouse, Léontine Marie Séchet, une cuisinière de 33 ans. Germaine naît à une époque marquée par les bouleversements sociaux de la Troisième République : l’éducation obligatoire de Jules Ferry a été instituée quelques années plus tôt, et les campagnes françaises sont en pleine mutation, avec l’arrivée progressive des machines et la montée de l’exode rural.
L’enfance de Germaine est marquée par la précarité et les drames. En 1898, alors qu’elle n’a que 8 ans, son père Elfred décède, laissant la famille sans ressource stable. Sept ans plus tard, en 1905, sa mère Léontine s’éteint à son tour, faisant de Germaine une orpheline à 14 ans. Ces années de deuil coïncident avec une époque où les conditions de vie restent dures pour les jeunes femmes issues de milieux modestes, souvent condamnées à travailler comme domestiques ou journalières pour subvenir à leurs besoins.
En 1914, alors que la Première Guerre mondiale s’apprête à éclater, Germaine épouse Édouard Louis Henry, un jeune livreur de 26 ans, à Saint-Rigomer-des-Bois, dans la Sarthe. Ce mariage, célébré le 2 juin, scelle l’union de deux travailleurs modestes dans un monde sur le point de sombrer dans le chaos. À peine mariée, Germaine devient domestique pour compléter les revenus du foyer, tandis qu’Édouard travaille comme journalier.
Le couple traverse les épreuves de la guerre, marquée par la mobilisation massive des hommes et les pénuries qui frappent les civils. Pendant ces années difficiles, Germaine donne naissance à son premier enfant, Charlotte, le 25 mars 1915. En dépit des épreuves, la famille s’agrandit rapidement : Louise voit le jour en 1917, suivie de Roger en 1919.
Les années 1920 sont un mélange d’espoirs et de douleurs pour Germaine. En 1921, elle met au monde son quatrième enfant, André, mais la famille est endeuillée la même année par la mort tragique du petit Roger, âgé de seulement deux ans. Malgré le chagrin, la vie continue, et trois autres enfants voient le jour : Simonne en 1922, Renée en 1924, et enfin Raymond en 1925.
Durant cette décennie, Germaine et sa famille résident à Vimoutiers, dans l’Orne. La ville, bien que paisible, reste marquée par les difficultés économiques de l’entre-deux-guerres, avec une montée du chômage et une précarité croissante pour les familles modestes.
Le 31 août 1934, la vie de Germaine s’achève brutalement à Argentan, à seulement 44 ans. Victime de violences familiales infligées par son époux Édouard, elle succombe sous les coups. Ce drame familial fait grand bruit dans la région et est relaté dans plusieurs journaux de l’époque, tels que L’Ouest-Éclair et Le Journal de l’Orne. Ces articles dénoncent les violences domestiques, un sujet encore tabou dans la société française de l’époque.
La vie de Germaine Julienne Gougeard reflète les luttes et les souffrances des femmes des milieux populaires au tournant des XIXᵉ et XXᵉ siècles. Orpheline jeune, mère de sept enfants, elle traverse les grands bouleversements de son temps : la modernisation des campagnes, la Grande Guerre, et les tensions sociales de l’entre-deux-guerres. Sa mort tragique met en lumière les violences que subissaient de nombreuses femmes dans un monde où les droits et la sécurité des épouses restaient largement ignorés.
Aujourd’hui, le souvenir de Germaine, transmis par ses descendants, incarne la résilience et le courage de celles qui, dans l’ombre de l’Histoire, ont forgé les générations futures.