Henri Marcel GOUGEARD (1928 – 1929)
L’enfant d’automne, né dans la lumière fragile d’un double destin
C’est dans la lumière adoucie de l’automne, le jeudi 18 octobre 1928, à 16 heures, que voit le jour Henri Marcel GOUGEARD, au cœur du quartier ouvrier de la rue de la Verrerie, au Havre (Seine-Maritime). Son arrivée n’est pas solitaire : il est le premier né d’une naissance gémellaire, un événement aussi redouté que rare dans les familles populaires du début du XXe siècle.
Ses parents, Gaston Jules GOUGEARD, âgé de 40 ans, contremaître et verrier aguerri, et Germaine Émilienne Delphine FOUCART, journalière et ménagère, âgée de 34 ans, vivent au rythme de la vie laborieuse du Havre industriel. La verrerie où travaille Gaston rythme leurs journées, dans une France qui tente de panser les plaies de la Grande Guerre et de faire face à la précarité croissante des années 1920.
Henri Marcel naît dans un foyer déjà riche de plusieurs enfants.
Ce petit garçon, tout juste arrivé, est donc entouré de quatre grandes sœurs et d’un jumeau, Pierre Edmond GOUGEARD, qui partage avec lui ce lien unique et mystérieux de la gémellité.
Mais dès leur venue au monde, l’équilibre est menacé. Les médecins préviennent les parents : Pierre Edmond, le second jumeau, semble trop faible, sa survie paraît compromise. Pourtant, le destin, dans sa cruauté souvent imprévisible, décide autrement : c’est Henri Marcel, l’enfant jugé plus robuste, qui s’éteint prématurément, à l’âge de 9 mois, le vendredi 9 août 1929, au 42, rue Alphonse Toures, au Havre.
Son décès est déclaré par son père, Gaston Jules GOUGEARD, seul témoin de cette perte intime. Aucune cérémonie, aucun journal ne relate cet événement ; mais l’écho silencieux de cette disparition traverse les années.
Henri naît dans une France marquée par l’entre-deux-guerres, dans un monde incertain où la médecine infantile peine encore à sauver les plus fragiles. Les conditions de vie des quartiers ouvriers — promiscuité, hygiène difficile, épidémies — condamnent de nombreux enfants avant même leur premier anniversaire.
Sa courte vie, bien que discrète, prend place dans un pays en mutation, où les classes populaires luttent pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants, dans les ateliers, les verreries, ou les rues encombrées de charbon et d’espoirs.
Par un paradoxe bouleversant, c’est Pierre Edmond, le jumeau qu’on disait condamné, qui grandira, porteur de cette mémoire silencieuse. On imagine la place invisible mais persistante qu’aura occupée Henri Marcel dans le cœur familial, et dans l’âme de son frère, qui a survécu à ce lien brisé avant d’avoir été pleinement vécu.