Reine Prudence Gougeard (1798 – 1874)
Née le 15 juillet 1798, soit le 27 messidor de l’an VI du calendrier républicain, Reine Prudence Gougeard vit sa première enfance dans une France encore marquée par les bouleversements de la Révolution française. Originaire de Valmont, petite commune normande, elle est la fille de Jean Pierre François Goujard, garde-moulin, et de Marie Françoise Elisabeth Alleaume, meunière et cultivatrice. Dans ce foyer rural, Reine grandit entourée de ses cinq frères et sœurs, chacun contribuant à la vie laborieuse mais soudée de la famille.
L’enfance de Reine est bercée par le ronronnement du moulin familial, un centre de vie et de travail. Cependant, la mort précoce de sa mère en 1811, alors qu’elle n’a que 13 ans, marque un premier tournant dans son existence. Elle apprend vite à prendre sa part de responsabilités. Dix ans plus tard, à l’âge de 22 ans, Reine perd également son père. Ces disparitions précoces renforcent son caractère et forgent sa détermination dans un monde où les femmes devaient souvent assumer des rôles multiples.
En 1824, Reine épouse Nicaise Robert Dehais, un homme de condition modeste mais travailleur. Leur mariage, célébré à Bec-de-Mortagne, donne naissance à une descendance nombreuse, avec six enfants répartis sur près de deux décennies. Reine et Nicaise travaillent dur pour élever leur famille : lui comme domestique et elle comme tisserande.
Le premier enfant, Benoît Nicaire, voit le jour en 1825. Suivent Caroline Prudence en 1827, Auguste Antoine en 1829, Éloïse Eulalie en 1832, Hortense Augustine en 1833, et enfin Léopoldine Célestine en 1841. Mais la vie est impitoyable : en 1832, Reine perd Éloïse, sa fille âgée de seulement quelques mois, dans une période où les conditions sanitaires et les maladies infantiles font des ravages.
Les années qui suivent voient Reine et sa famille évoluer dans un contexte national agité. La Révolution de 1830, puis celle de 1848, secouent la France. Ces bouleversements politiques entraînent des transformations sociales et économiques, notamment dans les campagnes. La mécanisation commence à transformer le métier de tisserande, exigeant des ajustements constants. Reine continue à exercer comme trameuse jusqu’à la fin de sa vie, symbole de son engagement et de sa résilience face aux défis de l’époque.
Après le décès de son époux Nicaise en 1867, Reine vit encore plusieurs pertes douloureuses, notamment celle de sa fille Caroline l’année suivante. Malgré tout, elle reste entourée de ses fils, Benoît et Auguste, qui seront présents à son chevet lors de sa mort, le 19 décembre 1874. Reine s’éteint à l’âge de 76 ans, à Bec-de-Mortagne, laissant derrière elle une descendance qui perpétue son histoire.
Reine Prudence Gougeard est l’incarnation de ces femmes discrètes mais essentielles qui ont marqué leur époque par leur courage et leur travail. Sa vie a traversé des décennies de bouleversements politiques, économiques et sociaux, de la Révolution française au Second Empire, témoignant des luttes et des sacrifices des familles rurales du XIXe siècle. Son héritage, inscrit dans ses enfants et dans les récits de son existence, est celui d’une femme de caractère, dont la ténacité a assuré la survie et la prospérité de ses descendants.