Yvonne Georgette GOUGEARD (1920–1981)
Une vie discrète entre verrerie et guerre, dans les faubourgs du Havre
Yvonne Georgette GOUGEARD voit le jour le 21 juin 1920, premier jour de l’été, dans le quartier industriel de Graville Sainte-Honorine, aujourd’hui intégré à la commune du Havre, en Seine-Maritime. Elle naît rue de la Verrerie, un nom prédestiné pour cette fille d’un ouvrier verrier, Gaston Jules GOUGEARD, âgé de 32 ans. L’acte de naissance est déclaré par ce père laborieux, en présence de deux témoins : Achille LANGLOIS, employé de mairie, et Émile ROTH, verrier comme lui.
Yvonne est issue d’un foyer ouvrier modeste, mais légitime et enraciné dans le tissu industriel du Havre. Sa mère, Germaine Émilienne Delphine FOUCART, née en 1894, est âgée de 26 ans à la naissance de sa fille. Le couple donne naissance à plusieurs enfants, créant une fratrie nombreuse, typique des familles populaires de l’entre-deux-guerres : Simone Élise Germaine (née vers 1913), Madeleine Yvonne, Germaine Marcelle, et Pierre Edmond, dit « Pierrot », né vers 1928.
En 1931, à l’âge de 11 ans, Yvonne est recensée avec sa famille au 68 rue Alphonse Toures, dans le quartier de la Verrerie du Havre, un secteur ouvrier animé, au cœur des dynamiques industrielles et portuaires normandes. Son père, chef de famille, y est toujours verrier. Elle vit aux côtés de sa mère Germaine, âgée de 37 ans, et de ses frères et sœurs.
Mais peu après ce recensement, la tragédie frappe la famille : Yvonne perd sa mère en 1933, alors qu’elle n’a que 13 ans, puis son père en 1934, à l’âge de 14 ans. Orpheline à l’adolescence, elle est probablement prise en charge par ses aînées ou des proches, dans un contexte de crise économique mondiale qui touche durement les classes populaires.
Le 20 janvier 1939, à l’âge de 18 ans, Yvonne épouse Roland Victor Armand GUEROULT, tourneur sur métaux, de six ans son aîné. La cérémonie a lieu au Havre, alors que les vents de guerre commencent à souffler sur l’Europe. Le mariage est célébré en présence de deux témoins : Marcel PORET, artisan menuisier, et Marcel Raoul SOREL, chaudronnier — deux représentants du monde ouvrier local.
Roland, né en 1914, appartient à une génération qui a grandi dans l’ombre de la Première Guerre mondiale. En 1939, à quelques mois du déclenchement du second conflit mondial, le couple entame sa vie commune dans une France à la veille d’un cataclysme. Yvonne, elle, est alors sans profession déclarée, comme beaucoup de jeunes femmes de son milieu et de son époque.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Le Havre, port stratégique, est lourdement bombardé. La ville est presque entièrement détruite lors des raids alliés de septembre 1944. Les conditions de vie y sont dramatiques, mais Yvonne et Roland survivent à cette période tragique. Leur vie conjugale s’inscrit dans la France de l’après-guerre, marquée par la reconstruction, l’urbanisation et les mutations sociales.
Le couple reste uni pendant plus de 32 ans, jusqu’au décès de Roland en 1971, à l’âge de 57 ans. Yvonne devient veuve à 50 ans.
Yvonne Georgette GOUGEARD s’éteint le 5 février 1981, à l’Hôpital Flaubert du Havre, à l’âge de 60 ans. Elle quitte ce monde dans la ville où elle était née, témoin de tant de bouleversements — de la République radicale des années 1920, en passant par les destructions de la guerre, jusqu’à l’essor de la société de consommation des Trente Glorieuses.
Son parcours est celui, discret mais essentiel, d’une femme du peuple, fille d’ouvrier verrier, épouse d’ouvrier métallurgiste, habitante d’un port meurtri puis reconstruit, orpheline, épouse, veuve. Elle incarne une génération de femmes silencieuses dont la vie s’est coulée dans les marges de l’Histoire, mais qui ont porté, dans l’ombre, les espoirs et les douleurs du siècle.